Livre II

Dessin des deux taureaux et d'une grenouille.

Les deux taureaux et une grenouille.

Deux taureaux combattoient à qui posséderoit
Une génisse avec l’empire.
Une grenouille en soupiroit.
Qu’avez-vous? se mit à lui dire
Quelqu’un du peuple coassant.—
Eh! ne voyez-vous pas, dit-elle,
Que la fin de cette querelle
Sera l’exil de l’un; que l’autre, le chassant,
Le fera renoncer aux campagnes fleuries?
Il ne régnera plus sur l’herbe des prairies,
Viendra dans nos marais régner sur les roseaux;
Et, nous foulant aux pieds jusques au fond des eaux,
Tantôt l’une, et puis l’autre, il faudra qu’on pâtisse
Du combat qu’a causé madame la génisse.
Cette crainte étoit de bon sens.
L’un des taureaux en leur demeure
S’alla cacher à leurs dépens:
Il en écrasoit vingt par heure.

Hélas! on voit que de tout temps
Les petits ont pâti des sottises des grands.

Dessin de l'oiseau blessé.

L'oiseau blessé d'une flèche.

Mortellement atteint d’une flèche empennée,
Un oiseau déploroit sa triste destinée,
Et disoit, en souffrant un surcroît de douleur:
Faut-il contribuer à son propre malheur!
Cruels humains! vous tirez de nos ailes
De quoi faire voler ces machines mortelles!
Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié:
Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre.
Des enfants de Japet toujours une moitié
Fournira des armes à l’autre.